Les 4 étapes pour bien débuter un projet 3D
Même si les méthodes et logiciels peuvent différer, la ligne directrice restera assez similaire dans son ensemble. Dans le cas présent, il s’agit d’un véhicule existant qui laisse peu de place à l’imagination.
J’ai opté logiquement pour du hard surface modeling, en opposition à la 3D organique. En ce qui concerne les logiciels, j’ai utilisé Maya pour la modélisation et l’UV mapping, Substance Painter pour le texturing et quelques stickers 2D retouchés ou créés sous Photoshop.
Les grandes étapes seront détaillées ultérieurement car avant d’en arriver là, il faut préparer le terrain. Ça tombe bien, on va justement en parler dans ce premier article.
Etape 1 : Le cahier des charges
Que cela vienne de vous ou d’un client, le projet commencera par un cahier des charges ou quelque chose qui s’en rapprochera au travers de vos notes. Il permet non seulement de décrire ce qu’on attend de la prestation mais aussi de fixer une deadline au projet. Pour le Kerax, c’était un besoin interne à l’entreprise, le but principal étant de le mettre en avant sur notre site pour le manipuler directement en 3D comme sur Sketchfab (il existe divers plugins pour intégrer vos assets 3D à votre site, c’est toujours bon à savoir).
Le temps à ma disposition était assez flexible puisque le site se construisait en parallèle de ma progression. Pas plus mal, j’ai pu faire en sorte que ce modèle soit beau comme un camion tout neuf. En résumé, le cahier des charges donnait ceci :
- Rendu réaliste, Environ 50 000 polygones
- Pas d’intérieur
- Une version avec radar et une sans radar
- Remorque séparée de l’avant du camion pour ajouter d’autres modèles si besoin
- Roues et radar qui peuvent tourner sur leur point de pivot
- Pas de LoD
- Texture en 4K
Je pense revenir ultérieurement sur le sujet des LoD dans un autre article (Level of Detail, soit plusieurs versions d’un même objet comprenant de moins en moins de polygones pour soulager les moteurs 3D qui vont switcher de modèle en fonction de la distance), cela pourrait intéresser du monde. Mes prestations précédentes étaient basées sur de la retopologie qui consiste à réduire le nombre imposant de polygones d’un modèle donné en high poly.
Avec la retopo, les LoD peuvent être attendu dans la prestation, surtout pour des projets de simulation qui ont tendance à impliquer un Open World. Gérer des millions de polygones en temps réel aura donc tendance à mettre les machines à genoux, car trop gourmand en ressources. Cela n’a pas été le cas avec le Kerax mais si vous vous demandez à quoi ressemble ce type d’exercice, voici exemple assez parlant.
Avec les informations données dans le cahier des charges, j’ai pu évaluer mes étapes de production en conséquence jusqu’à la livraison du modèle 3D.
Etape 2 : Planifier les étapes
La planification est, logiquement, rapide et un poil approximative. Si ce type de projet est réalisé sur votre temps libre, ce sera moins problématique mais dans tous les cas, rester des mois dessus risque de vous lasser rapidement. On a toujours d’autres chose à faire à côté et d’autres idées en attente, comme faire des gifs animés de Denis Brogniart ou regarder des vidéos de chats pendant une réunion. Quand c’est un projet professionnel, il vaut mieux s’assurer que le temps à disposition soit réaliste pour ne pas se retrouver à travailler la nuit et les week-ends. Il ne sera pas question de dépasser la deadline fixée avec le client.
Comme montré sur ce schéma, La modélisation, l’UV mapping et le texturing sont les 3 grandes étapes à prévoir pour finaliser le projet Kerax. D’autres étapes moins conséquentes se greffent à l’ensemble comme la recherche de références, anticiper les détails plus ou moins importants de la production, exporter et livrer le projet.
Alors que les 3 grandes étapes vont permettre d’estimer le temps de production nécessaire à la réalisation du modèle 3D afin de fixer une deadline et de déterminer le montant de la prestation pour le client, les étapes moins conséquentes sont surtout destinées au modeleur 3D. Le client n’a pas besoin de connaître ces détails non facturables ; à partir du moment où le projet arrive à temps et qu’il est conforme à ses attentes, il te mettra un pouce bleu.
En pourcentage, le travail a été fractionné à peu près de cette manière pour ce véhicule :
Modélisation (50%) – UV mapping (15%) – Texturing (35%)
Dîtes-vous que la nature d’un projet peut faire varier la durée de ces étapes, c’est au cas par cas. En retopologie, l’objet est déjà modélisé mais il faut le simplifier.
Imaginons plutôt un personnage à animer, il faudrait prévoir en plus des 3 grandes étapes, une phase de storyboarding (dessiner ou représenter les animations clés), le rigging (création du squelette), le skinning (relier le squelette au modèle 3D) et enfin, l’animation du personnage.
Est-ce qu’on vous demande aussi une vidéo en précalculé pour le mettre en valeur ? Prévoir alors du rendering impliquant de posséder des machines puissantes et des temps de rendu importants qui peuvent se compter en jours selon la durée de l’animation.
Dans notre cas, le Kerax doit être manipulable en 3D temps réel dans une application WebGL. Néanmoins, j’ai créé quelques rendus précalculés pour le plaisir sous Substance Painter afin de le mettre en valeur (comme sur l’image au début de l’article ou au-dessous de ce paragraphe).
Ce modèle pourrait être importé dans un moteur de jeu comme Unity mais il n’a pas été pensé pour ; il lui manquerait des choses importantes comme une gestion de la suspension et des textures exportées en adéquation avec le moteur de jeu.
Bien, maintenant qu’on a statué sur le travail à faire, on peut enfin se lancer.
Etape 3 : Recherche de références
Début officiel du travail sur le Kerax du point de vue du modeleur 3D. Pour rappel, il s’agit de reproduire un véhicule existant avec des photos sous les yeux, les références trouvées auront donc une grande importance mais même si votre projet devait être totalement imaginaire, cette étape restera toujours utile pour trouver l’inspiration.
La première chose à savoir, c’est que vous le referez naturellement au fur et à mesure de votre progression. Prévoyez quelques heures pour collecter un max d’info avant de débuter, selon la complexité du modèle à réaliser. Si l’objet est fortement représenté sur divers médias, vous serez plutôt rassuré. Le cas échéant, il faut s’attendre à quelques difficultés.
Plus on a de références visuelles de l’objet, mieux c’est, évidemment : Images, vidéos, informations (site officiel, wikipedia ou autre pour les dimensions/détails technique/références des armes qui peuvent, en plus, vous amener vers d’autres visuels).
A titre d’exemple, le Kerax est un modèle de la marque Renault qui a connu, comme beaucoup de camion, plusieurs variantes. J’ai d’abord mis de côté les bétonneuses et autre versions destinées aux chantiers pour me focaliser sur les modèles militaires. Là aussi, le choix est large : plus ou moins armé, basé sur le repérage, etc… Enfin, un même modèle peut avoir été redesigné quelques années plus tard. Mine de rien, ça commence à faire beaucoup de spécificités à trier.
Pour ma part, j’ai trouvé pas mal de clichés d’un photographe passionné sur flickr (visible ici) et j’ai pu choisir le Kerax Samp/T Mamba MRI avec un radar mobile sur le dessus qui tourne sur lui-même particulièrement vite, étonnante bestiole. Vous avez bien lu « LES modèles » car si on manque d’angle de vues sur les photos, autant créer ce qu’il manque en s’inspirant des autres modèles proches. Voir même les véhicules BTP pour les châssis qui sont souvent exposés sur les sites d’occasion. Sur ce dernier point, le dessous du camion étant peu visible en temps normal, j’ai grandement limité les détails.
Une fois qu’on a assez de références, on se crée un répertoire et on passe à la suite !
Etape 4 : Anticipation
Quand je parle d’anticipation, c’est pour prévoir les éventuelles difficultés à venir sur la réalisation du modèle et certains détails à garder en tête. C’est très variable d’un projet à l’autre et il est préférable de les noter dans un coin pour ne pas oublier.
Avec le cahier des charges sous les yeux, je peux déjà statuer sur certaines choses :
- 50 000 polygones, j’exclus le high poly qui pourrait monter facilement à 1 million sur un objet de ce type (avec 8 roues crantées, le chiffre va grimper en flèche).
- L’absence de LoD et d’intérieur à modéliser/texturer donne un gain de temps non négligeable, je n’ai pas de portières et d’habitacle à détailler sous toutes les coutures.
- Les textures devront être séparées en 2 parties au minimum, une pour la remorque et une autre pour l’avant du camion car le cahier des charges indique d’autres versions. C’est bien pour ajouter du détail mais cela va alourdir la taille du projet sur le disque et doubler le nombre de textures à exporter.
- Prévoir des points de pivots pour le radar et les roues afin de les faire tourner séparément, ce qui implique de ne pas « merge » les roues en 1 seul objet. Sauf si vous voulez faire un moulin ou un truc particulièrement bizarre…
Ensuite, on peut se poser la question du niveau de détail souhaité lors de la modélisation. Le Kerax doit avoir un rendu réaliste avec un nombre limité de polygones, donc pas le choix, il faut être raisonnable et ne pas se perdre en chemin avec des détails foisonnants. Le problème majeur sur ce point concerne la cohérence visuelle sur l’ensemble de l’objet. On peut se rendre compte tardivement qu’on en a trop fait car on ne compte pas vraiment les polygones au départ, ce qui peut impliquer du travail supplémentaire pour harmoniser le tout ; si vous avez un côté ultra détaillé et un autre beaucoup plus pauvre, cela se verra forcément. Et c’est moche…
Ne pas oublier que les textures peuvent simuler le relief, les zones moins visibles peuvent être simplifiées et des détails sur les photos peuvent mettre être ignorés. Les photos, justement, permettent aussi d’anticiper le texturing et l’UV mapping (consistant à découper et déplier le modèle 3D sur un carré à plat avant de le texturer).
Sur le Kerax, le conteneur à l’arrière possède pas mal de renforts pour les vis que j’ai décidé de modéliser. Je me dis à la base que je vais créer une seule poignée et les dupliquer sur le modèle. Le souci, c’est que le véhicule possède un camouflage militaire et que la couleur ne sera pas la même sur chaque poignée. Pour y remédier, il faudra faire l’UV mapping de l’objet avant de le dupliquer, puis les séparer en 3 groupes par nombre de couleurs sur le camouflage afin de les texturer séparément. Si vous ne le faîte pas, l’objet aura la même couleur partout. Et c’est moche…
Attention ! L’UV mapping peut peut vraiment générer des manipulations chronophages si non anticipées.
Le dernier point qui m’interpelle, c’est la version avec radar et l’autre sans radar. Il faut donc le cacher d’une manière ou d’une autre. Il est gros, il prend de la place sur mon espace UV et je ne souhaite pas alourdir le projet avec une 3ème texture.
Les photos trouvées ne montrent pas le dessus du camion, ce qui m’oblige à imaginer un système basique pour gérer sa présence ou non sur le véhicule. Pour ce faire, j’ai créé une trappe coulissante dotée d’un minimum de détails et séparée du reste du modèle. Ensuite :
- Le camouflage devra coïncider avec la version sans radar
- Le placement de la trappe ne devra pas induire en erreur lors du texturing
Conclusion
Tout est bien qui commence bien, le plus gros est anticipé, la modélisation peut enfin commencer ! Mais on verra peut-être cela dans un prochain article… parce que c’est un petit peu long à faire ce truc(k). Merci de m’avoir lu et à bientôt.